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The Phoenix Rises
26 août 2012

Sybreed : God is an Automaton

God Is an Automaton17/20

" "God is an Automaton" est l’un de ses albums que l’on pourrait trop facilement juger, alors qu'il demande patience [...]"


 
Perdu dans les confins des astres, au plus profond du temps et de l’espace, l’astre Sybreed brille inexorablement sur notre monde. D’une lueur sombre et létale, vicieuse par sa beauté maladive et empoisonnée, ensorcelante par son caractère imprenable et indescriptible.
Pourpre à sa naissance lorsque, dans nos lointains souvenirs, nous nous souvenons encore de l’impact sans commune mesure de sa première déflagration répondant au doux nom de "Slave Design", l’étoile s’est noirci et enrichi pour aboutir à un magistral "The Pulse of Awakening". Magistral par sa noirceur, sa profondeur, son interprétation et son utilisation unique des samples et des atmosphères pour créer un univers personnel dont personne ne pouvait sortir indemne. Difficile à appréhender à sa sortie, "The Pulse of Awakening" est une création à laquelle il aura fallu donner beaucoup de temps pour prendre toute la mesure de sa grandeur. C’est pourquoi, à l’orée d’un nouveau chapitre, la suprématie de ce troisième laïus prend tout son sens.

Cette quatrième nébuleuse, répondant au patronyme de "God Is an Automaton", est désarmante à bien des égards. Il faut tout d’abord faire complètement abstraction de la noirceur et de la haine véhiculées par "The Pulse of Awakening" pour se pencher vers "Antares" et son accessibilité plus présente. Car ce quatrième album désarme dans sa faculté, au premier regard, à ne pas surprendre. Après trois opus complètement différent, Sybreed semble consolider son style mais n’apporter plus rien de nouveau à sa musique, comme s’il se reposait sur des lauriers de leader. Il en va de même pour des compositions basées en grande majorité sur des refrains très accrocheurs, chantés en clair, rendant l’ensemble complètement inoffensif à la première écoute. Ainsi que la seconde, et la troisième…
La déception est de mise. Non seulement Sybreed ne se renouvelle pas, mais son atmosphère si particulière apparait superficielle (d’où la comparaison avec "Antares", très typé death "made in Göteborg") et les éléments mécaniques ne ressortent pas du tout. Et le chant extrême si impressionnant de Ben ? Envolé, noyé dans les refrains, dans ces riffs sans personnalité, sans impact…

Difficile et amer constat après quelques écoutes. Pour la première fois, Sybreed semble être passé complètement à côté de son sujet et c’est, malheureux, que l’on se retourne déjà vers ses œuvres passés. Puis le temps fait son effet, et l’on se souvent qu’aucun album des franco-suisses n’a révélé ses qualités aux premiers abords. Faut-il lui laisser une nouvelle chance ?
Car là réside toute la maestria de cet album, toute l’introspection et le paradoxe de cet opus plus accessible mais en aucun cas simple d’accès. "God Is an Automaton" se découvre au fil du temps, et se pare de multiples richesses pour finalement devenir un album extrêmement abouti, travaillé et méticuleux. L’aspect mélodique trop prononcé des débuts laisse sa place à une vision très massive de l’album, à commencer par une production toujours aussi surpuissante et des riffs qui, finalement, se révèlent extrêmement lourds et massifs. Le ton, plutôt optimiste, devient également plus sombre, certes pas aussi désespéré que sur "The Pulse of Awakening", mais dégage une grande mélancolie, un certain spleen poétique et empathique.
S’agit-il toujours du même opus ? Oui, cela va de soi. Il a juste enfin offert ses deux facettes, la première ainsi que la seconde, pour former une osmose cohérente et impressionnante, pleine de maitrise, de talent et de savoir-faire. Cela n’enlève pas le fait que Sybreed a consolidé son statut et a moins évolué entre "The Pulse of Awakening" et ce nouvel album qu’il l’avait fait entre "Slave Design" et "Antares" ou "Antares" et son successeur. Néanmoins, la personnalité du groupe n’en ressort que plus forte, imposé et vivante. Sybreed dispose d’un son immédiatement identifiable, d’un vocaliste unique et d’arrangements très particuliers…et cela s’en ressent sur "God Is an Automaton".

Parlons de la performance Ben. Si ce dernier avoue désormais ne pas du tout apprécier ses vocaux sur le précédent opus (et pourtant…), il subjugue tant il manipule sa voix comme il le désire, passant de tonalités new-wave à des intonations black metal n’ayant jamais été aussi violentes. Les refrains sont, comme dit précédemment, en grande majorité en chant clair, mais les couplets développent parfois une agressivité et une noirceur nouvelle, probablement moins sombre mais plus brutale que jamais. "Into the Blackest Light" s’engouffre dans des abysses encore nouvelles pour le quartet. Le chant y est d’une noirceur et d’une agressivité encore jamais entendu chez Sybreed, le refrain est puissant, marquant et d’une virulence jouissive, entre les vocaux déchirés de Ben, les passages clairs mais complètement apeurés, la double pédale d’une puissance tétanisante et surtout des riffs tordus, gras et graves. Les samples plongent l’auditeur dans une atmosphère chaotique et nerveuse, où le danger est partout présent.

Contre-exemple extrême de la mélodie omniprésente du disque, "Into the Blackest Light" n’est pourtant pas si isolée qu’on peut le croire au début. "Posthuman Manifesto", au refrain très mélodique et mis en avant, ainsi que son riff accrocheur et très épais, cache quelque peu la violence sous-jacente des textes et de l’atmosphère qui émane du titre. Pourtant, encore une fois, les samples apportent un sentiment de vitesse, d’urgence et de nervosité à l’ensemble, tandis que les cris déchainés de Ben contrebalancent parfaitement avec les voix claires et désenchantées passées au vocodeur. Drop a réalisé un travail très important sur l’impact des refrains, et celui-ci en est le meilleur exemple tant il se retient facilement. Quant au riff, plus le temps passe et plus sa sournoiserie saute aux oreilles, plus vicieux et insaisissable que jamais. Il en va de même pour "The Line of Least Resistence" aux arrangements pop très commerciaux mais aux couplets black extrêmement violents et dynamiques. Les parties de batterie sont d’une technicité toujours aussi affolante alors que le refrain s’élève, catchy en diable et créant une véritable montagne russe émotionnelle avec le couplet. Linéaire, cet album ne l’est clairement pas…

Nous évoquions le fait que Sybreed consolidait son style et son statut avec "God Is an Automaton" mais la question était aussi de savoir si le groupe allait, comme il était aisé de la craindre, complètement oublié ce qu’il avait fait avec "Slave Design", premier album tellement différent de ces successeurs. C’est pourtant avec une énorme surprise et une prise de risques tout de même à saluer que le combo revient parfois, sporadiquement, à ses premiers amours à travers le monstrueux "Challenger" ou l’industriel et "Hightech Versus Lowlife". Ecrasant à l’extrême et sombre à souhait, ce dernier est probablement l’un des titres les plus noirs et maladifs que Sybreed ait composé avec "Nomenklatura", "Killjoy" ou "Next Day Will Never Come". Les riffs sont lourds, glacials, malsains et les arrangements électroniques rendent l’ensemble plus suffocants encore, ponctués par des hurlements inhumains et abyssaux, remontant tout juste à la surface pour un refrain désabusé, mélancolique et déprimé.
"Challenger" revient lui à des influences plus radicales et industriels que l’on pensait à jamais abandonner depuis "Bio-Active" et "ReEvolution". Un petit tour vers le passé mais avec la manière de sonner actuelle et il est très agréable de remarquer à quel point la composition sonne frais (de plus réenregistrée depuis sa version « ep ») et spontanée, moins étouffée et compacte que la première mouture, tout en se montrant plus efficace et directe.

Finalement, la grande force de ce quatrième opus est d’être à la fois si accessible et difficile à appréhender, si simple et complexe à la fois, de pouvoir être décris en quelques lignes mais également disserter en de longs paragraphes. Le morceau éponyme représente ce constat, mélodique et très mélancolique mais dressant un break black démoniaque et très lourd, avant de repartir sur des bases plus doucereuses. Impossible également de laisser de côté "Destruction and Bliss", longue pièce de près de dix minutes, ponctuée de solo comme Drop ne nous l’avait encore jamais montré, et teinté d’une ambiance nostalgique et rêveuse, tout en conservant le caractère froid et particulier de l’ensemble du disque.
"God Is an Automaton" est l’un de ses albums que l’on pourrait trop facilement juger, hâtivement et sans conviction, alors qu’il demande patience et persévérance pour s’offrir sous ses multiples angles. Beaucoup plus complexe et profond qu’il n’y parait, cette quatrième pierre solidifie l’édifice suisse et lui confère une personnalité incontestable et unique. Certains continueront probablement de regretter une ambiance de complète nouveauté, mais force est d’admettre que l’album s’affiche comme le point d’orgue d’un cycle, la fin d’un chapitre, une superbe conclusion aux dix premières années du groupe.
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