Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
The Phoenix Rises
25 juin 2012

Luca Turilli's Rhapsody : Ascending to Infinity

Luca Rhapsody
18/20
 
"Cette impression de se sentir petit et béat face à une chose immensément belle et nous dépassant…"

"Sans ambition, il n'y a pas de talent"

Nina Berberova


Ambition démesuré, prétention exacerbée ou égocentrisme assumé ; les qualificatifs pour décrire les compositeurs usant de méthodes grandiloquentes et majestueuses sont autant d’appels à la jalousie extérieure qu’au respect profond de la maitrise d’un art perdu.
L’histoire de Luca Turilli est intimement liée au dualisme amour/haine que procure son travail et son talent ; certains y voyant une volonté ostentatoire d’aller toujours plus dans la surenchère orchestrale tandis que d’autres y voient une forme d’absolu et une évolution ultime d’un style initial littéralement transcendé par la musique symphonique.

L’italien ira très loin avec son groupe Rhapsody (of Fire) dans lequel, à l’aide de son compatriote Alex Staropoli, il écrira deux concepts complets et complexes inscrits dans une imagerie médiévale/heroic fantasy que Tolkien n’aurait probablement pas osé renier. Mais voilà, ayant soif d’ailleurs et intarissable compositeur jamais reposé, l’italien pris également le temps d’écrire une trilogie en solo et de proposer un opus plus expérimental laissant libre cours à sa passion pour le chant féminin, la musique électronique et l’opéra (Dreamquest).
L’inévitable mais pourtant complètement inattendu arriva au crépuscule de l’été dernier : le split. Incapable de trouver un terrain d’entente sur le futur du groupe suite à l’épilogue qu’était "From Chaos to Eternity", Alex et Luca décide de séparer leur route en emportant chacun des membres du line up pour former deux nouveaux groupes.

Sans revenir sur l’imbroglio compliqué qui donna naissance d’une part à Luca Turilli’s Rhapsody et d’autre part à la continuité de Rhapsody of Fire, ni au pourquoi du comment de la question (voir interview pour plus d’information), il était certain que Luca, pas plus perturbé que ça par la séparation d’un duo que l’on pensait inoxydable, est déjà de retour à peine un an plus tard avec un premier album sous son nouveau line-up.
Signé chez Nuclear Blast avant même que la première note ne soit composée, Luca Turilli se dit lui-même avoir écrit sans pression, ne prenant cette fois-ci pas la décision de proposer un concept global mais une thématique à l’album qui évoquera différents sujets plus actuels que ce qu’il a pu présenter par le passé. Si Alex Holzwarth a enregistré toutes les parties de batterie, c’est désormais Alex Landerburg (Mekong Delta) qui est officiellement frappeur au sein du groupe, tandis que l’italien a gardé dans ses bagages son ami de toujours Dominique Leurquin (mettant en éclairage la question de l’intégration quelque peu maladroite de Tom Hess dans le line-up officiel de Rhapsody of Fire à la sortie de "From Chaos to Eternity") et Patrice Guers à la basse. C’était évidemment du côté du micro que la question se posait…et lorsque le nom d’Alessandro Conti fut révéler, chanteur de Trick or Treat, il était difficile de se faire une idée réelle du potentiel du jeune italien. Cependant, autant être clair rapidement, le vocaliste illumine l’album de son talent, de son timbre incroyable et de versatilité sans commune mesure amenant l’album vers des sommets stratosphériques que nous n’aurions pu espérer avant les premières écoutes complètes de l’album.

La patte de Luca Turilli est reconnaissable entre mille sur ce disque, et les premières impressions sont, assez logiquement, que rien n’a forcément changé sous le soleil italien. Bien que Sascha Paeth ne se soit pas occupé de la production, laissant ce rôle à son compatriote Sebastian Roeder, le son reste globalement assez proche de ce que nous connaissons de lui bien qu’on puisse remarquer une prédominance des chœurs et des claviers (réalisés par Luca lui-même) vis-à-vis des guitares. "Quantum X", introduction cinématographique par excellence, bombarde directement l’auditeur d’une armée de chœurs et de cuivres grandioses et sombres dans la veine des travaux de Hans Zimmer ou Howard Shore. La narration, très éloignée de celle de Christopher Lee, marque une scission nette avec Rhapsody of Fire avant un morceau éponyme dans la droite lignée de ce à quoi nous pouvions nous attendre, même si l’excellence du chant d’Alessandro Conti laisse pantois. Proche du Michael Kiske des années 1980, ses envolées sont exceptionnelles de lyrismes et de techniques, dénichant des notes improbables sur une musique toujours aussi speed, énergique et technique.

"Dante’s Inferno" va en revanche dans la direction que suivra cet opus par la suite, plus proche de Luca en solo. Impossible de rester de marbre face aux mélodies vocales éblouissantes d’Alessandro, tout comme ces orchestrations sombres et magiques. Le refrain, chanté en latin, est une pure merveille surplombée de chœurs de ténors. Clairement, les guitares de Luca et Dominique sont en retrait pour laisser s’exprimer toute la démesure de l’amplitude symphonique de la composition prenant des allures de périple musical, bande originale d’un film s’imaginant dans notre esprit au fur et à mesure du morceau. "Clash of the Titans", également très puissante, laisse faire le talent d’un chanteur qui risque fort d’impressionner la communauté metallique avec une telle prestation.
On pourra rapprocher "Excalibur" des sensations d’un "King of the Nordic Twilight", notamment dans l’introduction médiévale mais aussi dans le ton du refrain, très positif et puissant car repris en canon par une chorale. Le chant, en italien cette fois-ci, déborde d’émotion et s’acclimate complètement à des orchestrations utilisant ici plus les cordes et les vents (clarinette, flute…) que les cuivres pour un rendu évidemment plus lumineux et positif.

Il est également difficile de ne pas évoquer la sensationnelle "Tormento E Passione" où Alessandro dévoile son coffre monumental, proche d’un chanteur d’opera (l’italien évoque indubitablement Pavarotti). Chantant en duo avec Bridget Fogle (chanteuse du projet Dreamquest), ils éblouissent une composition balayée par un grand souffle épique et majestueux, tout en réservant des intermèdes mélancoliques et sensuels où le piano de Luca, lorsqu’il n’est pas virevoltant, se fait sensible et doucereux. On y retrouve également des sonorités modernes rappelant son second opus solo, le tout semblant amener à sa reprise de Luna, œuvre d’un tenor italien très connu dans son pays (Alessandro Safina), reprise de façon personnelle et impressionnante d’assurance par le jeune vocaliste.

Fidèle à lui-même, Luca Turilli termine le disque avec un long morceau épique baptisé "Of Micheal, The Archangel of Lucifer’s Fall" culminant à seize minutes. Partant d’une partie de claviers mélodique mais inquiétante, une narration ténébreuse invoque les préceptes du mal. Les arrangements, malfaisants, introduisent d’impressionnants chants liturgiques. Un riff assassin et tranchant déboule des cieux avec son accompagnements de symphonies ici plus subtiles, délicates et ne sombrant jamais dans la surenchère. Traditionnelle dans sa première partie, la chanson prend son envol progressivement grâce une fois de plus aux éclairs géniaux de ce chanteur se présentant comme la réincarnation enfin effective de Kiske. Sombrant peu à peu dans une plus grande complexité, elle reprend des éléments de la composition "Prophet of the Last Eclipse", malgré un tempo bien moins rapide et des chœurs plus démentiellement épiques que jamais. L’influence baroque du dernier Rhapsody of Fire a été évacuée pour une dimension toujours plus cinématographique et « soundtrack » de la musique.

C’est, ébloui par autant de talent, de maitrise et de brio, que le disque se termine sur une reprise très mélodique et (forcément) symphonique du "March of Time" d’un Helloween semblant être une des influences majeures du nouveau venu. "Dark Fate of Atlantis", plus rapide et étourdissants comme dans les années fastes de Rhapsody, mais avec une influence mêlant l’Orient à une facette cybernétique, semble rappelé que Luca Turilli n’a pas oublié d’où il venait.
Difficile d’ajouter des éléments supplémentaires face à l’un des rares opus symphoniques de l’année à avoir non seulement tenu ses promesses, mais également à avoir été plus loin encore. Plus que jamais vivant et au sommet de son art, le guitariste virtuose livre de plus un sublime packaging brillant accompagné d’un dvd et d’un livret aux multiples illustrations et citations. Un bel objet pour une œuvre majeure et symbole d’un nouveau départ vers des défis que l’on imagine déjà grandioses et ambitieux, comme pour nous rappeler constamment la différence entre les véritables artistes et les autres…cette impression de se sentir petit et béat face à une chose immensément belle et nous dépassant…
Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité